25 décembre 2018

Le Père Noël


En poste dans un grand magasin, l'artiste Christian Poincheval incarne l'icône des enfants depuis 40 ans. Nous avons recueilli ses incroyables confidences.
Au dernier étage de ce grand magasin parisien, où des acheteurs frénétiques font leurs dernières emplettes de Noël, il trône dans un grand fauteuil de velours vert, encadré de sapins clignotants. Avec sa grande barbe blanche, son costume rouge et ses bottes impeccablement cirées, il ne passe pas inaperçu. Des centaines d'enfants font la queue pour le serrer dans leurs bras. Christian Poincheval, 69 ans, est le Père Noël de leur rêve ! Cet artiste, par ailleurs inventeur à ses heures, enfile le costume de Saint Nicolas depuis plus de quarante ans. « J'ai commencé, lorsque j'avais 25 ans, le jour où le Père Noël que j'avais embauché pour venir au centre culturel de Perseigne (Orne), que je dirigeais alors, m'a fait faux bond. L'expérience a été si plaisante que je n'ai jamais cessé depuis », confie-t-il
Hier éducateur spécialisé, puis directeur de centre culturel, créateur du groupe de musique Les Poinchevaux (sa femme Évelyne et lui ont sorti quatre 33 tours), Christian est, chaque année, très demandé à l'approche du mois de décembre. «  C'est un job saisonnier », relève-t-il comme une évidence. En 2017, il avait enchaîné 44 jours aux Galeries Lafayette et effectué plusieurs vacations dans des centres commerciaux de province. En 2018, il aura dû jongler avec un agenda encore plus surchargé : une vingtaine de jours, boulevard Hausmann, dans le rayon « jouets » du même grand magasin et des dizaines de dates à travers la France pour une chaîne de chocolateries. Il a aussi servi de modèle pour les affiches d'un grand parc d'attractions et fait l'acteur dans plusieurs vidéo-clips musicaux.
Désireux d'en savoir plus sur son parcours, on décide de l'inviter à déjeuner. Curieuse expérience que de se retrouver dans un restaurant bondé, en compagnie d'une telle célébrité. Les bambins éberlués tournent autour de la table sans oser l'approcher. Des parents, moins timides, les poussent à grimper sur les genoux du barbu pour une photo. Christian, bonhomme, se prête au jeu des selfies. À l'entendre dérouler sa vie entre deux clichés, on comprend mieux le parcours de son fils, le plasticien Abraham Poincheval, qui s'apprête à réaliser, début 2019, un « happening » en marchant dans les nuages (sur une passerelle accrochée à deux ballons dirigeables). Christian, par ailleurs père d'une musicienne à l'orchestre de Monaco, prénommée Pénélope, a vécu en communauté dans un petit village de Normandie (Saint-Céneri-le-Gérei) de 1976 à 1983. « C'était une autre époque. Un maire nous avait donné gratuitement les clefs d'une ferme abandonnée. Il nous avait fait promettre de ne pas mettre le boxon dans le village. Nous y avons emménagé avec des amis », sourit-il
Est-ce son profil de fils de gendarme qui rassure l'édile ? Ou celui de responsable de structure culturelle municipale ? « À un moment, on en a eu assez d'être sédentaire et nous sommes partis sur les routes avec une troupe itinérante, celle de l'acrobate Didier Palaget et de Pierrot Bidon [co-fondateur du cirque Arkhaos]. La compagnie s'appelait Bidon. Normal ! Ils faisaient des numéros bidon », plaisante Poincheval. Il effectuera deux tournées en roulotte, avec femme et enfants, avant d'être embauché dans une radio-libre, Alençon FM, puis de lancer un journal satirique : L'Agressif. «  Un titre, tiré entre 35 000 et 40 000 exemplaires qui a cessé de paraître en 1990 », déclare-t-il.
Pendant toute cette période, Christian Poincheval continue de faire le Père Noël. «  Quand on est roux et qu'on a une belle barbe, c'est un job facile à décrocher », estime-t-il. En parallèle, Santa Claus développe des projets farfelus. « Je me suis mis à inventer des produits », résume-t-il. Au début des années 90, il met au point un système d'impression de papier-toilette. « J'ai dû aller en Hollande pour trouver les machines idoines », glisse-t-il. Récompensé par un prix au concours Lépine, il commercialisera pendant plusieurs années des rouleaux de papier hygiénique aux motifs étonnants. « J'ai fini par m'en lasser. J'ai alors lancé une marque de café en brique, avec moins de succès. » Sa plus grande invention restera cependant la pilule-pet, commercialisée sous la marque Lutin Malin. « Une gélule, parfumée, qui odore les flatulences », émet-il avec fierté, effarouchant un peu nos voisins de restaurant. « J'ai mis deux ans à mettre au point les parfums : rose, violette et chocolat. Cette pilule se vend très, très bien en Asie. J'ai encore fait une télévision en Corée du Sud il y a quelques mois. C'est fou ce qu'ils aiment ça », glisse-t-il, vite pris par un fou rire.

Mais l'heure tourne. Et le Père Noël doit bientôt reprendre du service. Il y a trois ans, Christian Poincheval se glissait dans un programme de télé-réalité sur NRJ12 : « Une expérience vraiment amusante qui m'a poussé à vivre plusieurs mois à Las Vegas », s'enchante-t-il. « Mon rôle préféré reste néanmoins celui de Père Noël », jure-t-il. « Maintenant que je suis un peu identifié, une agence de mannequins s'occupe de mes contrats. Je me contente de venir sur place à l'heure dite. Mon costume est prêt. Mes bottes bien cirées. Certains jours, jusqu'à 400 enfants m'attendent », émet-il, soudain attendri en se souvenant de ce jeune Russe qui s'est mis à hurler de joie « pendant de longues minutes » en le voyant.

«  Parfois, ce sont des adultes qui me confient des secrets. Vous ne devineriez jamais à quel point les gens se livrent au Père Noël. » La semaine dernière, c'était un groupe de moines bouddhistes qui se lovait dans ses bras. Dans quelques jours, les fêtes passées, Christian Poincheval reprendra le fil de sa vie. « Je me consacre désormais à la sculpture de bouteilles plastique pour sensibiliser le grand public au problème de la pollution. Mais je travaille aussi le bronze. Il est possible que je rejoigne aussi un barrage de Gilets jaunes car je trouve leur lutte digne d'intérêt. En clair, je n'ai pas le temps de m'ennuyer », insiste-t-il. Son œuvre préférée restera néanmoins liée à son travail de Santa Claus. « Je collecte depuis des années tous les mots, toutes les photos et tous les dessins que l'on m'a transmis. Je les ai compilés dans une installation, intitulée Dans la peau du Père Noël. Je compte l'exposer prochainement », conclut-il.

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