2 novembre 2008

Soixante-dix ans après, les fresques de l'auberge Moisy


L'auberge des soeurs Moisy à Saint-Céneri, accueillait des artistes fauchés qui payaient en peignant sur les murs. 70 ans après, elle sort de l'oubli.

Si les murs pouvaient parler... Au coeur du village, les oeuvres peintes directement sur les murs de l'auberge des soeurs Moisy ont leur histoire. Au temps où l'absinthe coulait à flots, à l'époque des chapeaux emplumés, les deux femmes y ont accueilli de nombreux peintres, de la fin du XIXe au début du XXe siècles. En paiement de leurs repas, ces artistes peignaient directement des ombres chinoises et des tableaux sur les murs du premier étage. Certains d'entre eux y ont ajouté un texte.

Soixante-dix ans après, la porte s'entrouvre. Sur un mur près d'une fenêtre, il est possible que Corot soit à l'origine de la peinture du château de Pierrefonds (des recherches sont entreprises à cet effet) et qu'Harpignie, ami de Van Gogh, soit l'auteur de l'oeuvre très endommagée, représentant le vol des corbeaux au-dessus d'un champ de blé. Sur un pan de bois, des portraits d'artistes signés Paul Saint, ayant eu sa statue à l'entrée du village.

Des silhouettes identifiées

Christiane Tatham, passionnée par l'histoire de l'auberge, fait partie de l'association des Amis de Saint-Céneri qui oeuvre pour la préservation du lieu.

Elle raconte : « Pendant la dernière guerre, les Allemands ont déboulonné la statue de bronze de Paul Saint pour en faire des obus. Les habitants du village se sont empressés de prédécouper, dans l'auberge, le fameux pan de bois sur lequel étaient dessinés une série de portraits, dont le sien, afin de le soustraire à l'ennemi! »

Aujourd'hui, quelques silhouettes sont d'ailleurs identifiées : une des deux soeurs Moisy ; Eugène Touchard dit Baraton ; René Veillon, le professeur d'art; Paul Saint ; le docteur Reignier ; Alphonse Veillon; le photographe... Hélas, les murs en torchis ont terriblement souffert.

Christiane raconte : « Après la mort des soeurs Moisy, le bâtiment a été fermé pendant plus de 70 ans. Ayant eu des querelles avec la municipalité, le propriétaire n'a pas souhaité rouvrir le lieu. L'endroit est très délabré à cause de l'humidité. Nous avons aujourd'hui le budget d'investissement pour remettre l'auberge en état. »

Elle deviendra un nouveau lieu de visite dans l'un des plus beaux villages de France. Le parc naturel régional Normandie-Maine, bailleur, pilote le projet de sa rénovation.

Une opération de sauvetage

Franck Blondel, restaurateur en peintures, diplômé de la maîtrise des sciences et des techniques en conservation et restauration d'oeuvres d'art (Louvre Paris 1, Sorbonne) travaille dans l'humidité de l'auberge depuis quelques jours. Et pas question, dans l'immédiat, d'y installer un chauffage : « Cela pourrait tout détruire... Pour le moment, je ne fais que de la préservation dans le but d'une restauration fondamentale l'an prochain. Les murs, dit-il, sont totalement délabrés et les peintures d'ombres chinoises sont dramatiquement atteintes. L'humidité venue de l'extérieur a traversé les murs qui sont fendus, pour la plupart, en profondeur. Cependant, les peintures peintes sur bois, elles, sont en bon état. »

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