25 septembre 2009

L'auberge donne un coup de chaux aux habitants


A Saint-Céneri-le-Gérei, près d'Alençon, classé plus beau village de France, l'ancien logis du peintre Courbet et de ses amis est en rénovation. Enduit à la chaux, sa blancheur détonne. Les riverains tonnent après l'architecte.

Saint-Céneri-le-Gérei, 140 habitants. Classée parmi les plus beaux villages de France, la commune ornaise, à quelques kilomètres d'Alençon, attire chaque week-end touristes ou habitués, ravis de flâner dans les petites rues pentues et fleuries.

L'allure d'une demeure pourrait pourtant interpeller quelques visiteurs : l'auberge Moisy se pare depuis une semaine d'un lait de chaux qui tire sur le blanc gris. « C'est trop clair ! » grommelle un voisin.

À endroit hors du commun, couleur originale ? L'auberge des soeurs Moisy accueillit, fin XIXe-début XXe, de nombreux peintres. Gustave Courbet, Camille Corot et consorts descendaient des canons à l'étage. Puis peignaient quelques paysages et surtout les ombres chinoises de nombreuses têtes d'invités. On l'appelle aujourd'hui la salle des Décapités.

Le Parc naturel régional Normandie-Maine a récupéré le bâtiment, fortement délabré. Pour 455 000 €, il souhaite en faire un lieu culturel dédié aux peintres passés par le village.

« Cette couleur choque »

Sa rénovation a commencé en 2008. « Par un premier torchis jaune, se souvient la présidente de l'Association des amis de Saint-Céneri. Tout le monde était ravi. » Mais la semaine dernière, sur instruction de l'architecte, les ouvriers ont appliqué un lait de chaux, fin enduit qui blanchit toutes les façades. « Ça ne plaît pas aux habitants du village », constatent deux conseillers municipaux, Dominique Hébert et Bernard Leroyer.

Les protestations ont pris une telle ampleur que l'architecte Yann Macbeth est venu de Paris expliquer sa démarche, jeudi : « Au début, on a voulu au maximum conserver l'enduit en place (qui tirait plutôt sur le gris-brun), explique l'homme en imper marron et Doc Marten's noires. Hélas il se détachait. On a trouvé des traces de l'enduit d'origine, blanc, et le choix a été fait, avec l'Architecte des Bâtiments de France, de le reconstituer. »

« Mais cette couleur choque, vous vous voyez habiter à côté d'une bâtisse qui tranche comme ça avec le reste du village ? » oppose un élu. Autour, on a plutôt privilégié l'enduit jaune, la pierre grise bien visible, voire la brique rose.

« Il faut attendre de terminer l'auberge, rétorque l'architecte. L'enduit, fin, va se foncer, laissant transparaître rapidement le dessous. » Des explications techniques qui semblent avoir rassuré les présents. Certains regrettant toutefois qu'on ne les ait pas fournies avant.

Reconnaissant du bout des lèvres « une communication insuffisante », le président du parc, Eugène-Loïc Ermessent, a promis de distribuer des dépliants pour expliquer le parti pris architectural. Et a donné rendez-vous aux Girois dans six semaines, à l'achèvement du chantier. Tout en glissant : « On laisse passer l'hiver et on se garde un badigeon sous le coude au cas où la couleur ne passerait vraiment pas... »

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