20 août 2012

À la table des peintres, chez les soeurs Moisy

On venait s'y restaurer, après une journée à peindre la campagne giroise. L'auberge des soeurs Moisy, à    Saint-Céneri-le-Gérei, recèle pourtant de drôles de pensionnaires : les « décapités »

« Les soeurs Moisy n'étaient pas bien riches », mais elles ont accueilli du beau monde. L'auberge de Léonie et Adélaïde Moisy, au coeur du bourg de Saint-Céneri, est ouverte au public depuis deux ans. Ismérie Werquin, responsable de l'animation, désigne ça et là quelques images dans la pièce qui faisait office de cuisine. Le regard s'arrête sur une photo de deux vieilles femmes, souriantes. Elles portent la coiffe, comme pour souligner leur condition modeste.« Elles ont tenu l'auberge de leur père Jacques, explique Ismérie Werquin, et l'ont conservé de 1870 à 1908 ». Soit un âge d'or pour le village, qui accueillait en son sein l'école de peinture formée à la fin du XIXe siècle. On y trouvait Paul Saïn ou encore Mary Renard, qui venaient peindre le cadre girois les beaux jours. « Cela s'explique par l'invention du tube de peinture, au milieu du siècle. Plus besoin de faire le croquis et de le ramener en atelier pour peindre, on pouvait le faire directement en extérieur ». Ils venaient prolonger leurs soirées chez les deux soeurs.
L'ombromanie
Matelotes d'anguilles, omelettes et mets aux écrevisses blanches étaient au menu de l'auberge. Que l'on dégustait dans la salle du premier étage, là où se trouvent aujourd'hui « les décapités ». Des criminelles, Adélaïde et Léonie ? Non, ce sont plutôt les victimes du coup de crayon de ces artistes facétieux. Ils utilisaient la bougie pour projeter leur ombre contre le mur. Le contour des bustes était dessiné au fusain, puis rempli de peinture noire. D'où le nom de ces portraits-silhouettes qui trônent dans la salle. « On en compte 66. On pense en avoir identifié 30, des peintres et leurs amis mais aussi des gens du village, révèle la responsable. Certains profils montrent qu'il s'agit de meuniers. Ils devaient apporter la farine à l'auberge et en profiter pour boire un verre... ». Tout en se faisant tirer le portrait.
Il est possible de reproduire cette technique de l'ombromanie dans les salles suivantes, grâce à une installation ludique. Une salle des biographies informe sur les artistes du passé et d'aujourd'hui qui ont marqué le village. Enfin, la salle des vis-à-vis permet une expérience originale : en faisant face à une peinture, un rétroviseur permet de regarder en même temps son modèle réel dans un autre écran.
La restauration de l'édifice et son ouverture au public ont été rendues possible grâce au parc Normandie-Maine. Jusqu'à l'année dernière, les travaux étaient en cours, notamment dans la salle des décapités. « Les quatre mois de fermeture ont influé sur la fréquentation. 900 personnes sont venues en 2011, j'en attends 1 500 d'ici la fin de l'année » espère Ismérie Werquin. L'auberge est ouverte du mercredi au dimanche, à raison de deux visites par jour à 15 h 30 et 17 h.

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